L'AS DES DEUX GUERRES
Volant sur Thunderbolt pendant la Seconde Guerre mondiale et sur Sabre en Corée, Francis Gabreski se classe aujourd'hui, avec trente-quatre victoires, au premier rang des as américains.
Né en 1919 à Oil City (Pennsylvanie) de parents immigrés polonais, Francis S. Gabreski familièrement surnommé « Gabby », venait de faire ses deux premières années de médecine à l'université de Notre Dame, à South Bend (Indiana), quand l'invasion de la Pologne par les forces allemandes, puis l'extension du conflit à l'ensemble du théâtre européen, l'amenèrent, en juillet 1940, à renoncer à ses études pour
s'enrôler comme
élève pilote dans l'US Army Air Corps.
Du Pacifique à la Grande-Bretagne
Breveté en mars 1941, il fut affecté avec le grade de Sublieutenant au 45th Pursuit Squadron, à Wheeler Field (Hawaii), où il volait sur Curtiss P-40.
Lors de l'attaque japonaise sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, Gabreski fut l'un des rares pilotes à pouvoir décoller, mais il n'obtint aucune victoire. En octobre 1942, après plusieurs mois de patrouilles défensives sans accrochage avec l'ennemi, il fut réaffecté aux États-Unis, où il rejoignit le 56th Fighter Group, le premier à être équipé du nouveau chasseur Republic P-47 « Thunderbolt », et prit le commandement
d'un Flight
du Squadron 61.
En janvier 1943, cette unité fut rattachée à la 8th Air Force et transférée en Angleterre, mais le Captain Gabreski fut encore détaché auprès de la RAF en vue de s'entraîner aux opérations. Ses origines polonaises et une parfaite maîtrise de sa langue maternelle lui valurent d'être versé au Squadron 315 (polonais), basé à Northolt (Middlesex), où il devait se créer des amitiés durables.
Bien que n'ayant obtenu aucune victoire avec les Polonais durant ses treize sorties opérationnelles, toutes effectuées sur Spitfire V, celles-ci lui permirent d'acquérir une inestimable expérience.
En février, il regagna son unité d'origine, le 56th Group et, après un entraînement intensif, effectua ses premières missions en avril. Au début, la chance ne favorisa guère l'unité américaine, et ce n'est qu'au mois de juin qu'elle remporta quelques victoires. C'est au mois de juin également que Gabreski fut promu Major et qu'il prit le commandement du Squadron 61.

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Francis Gabreski dans le cockpit de son Republic P-47 « Thunderbolt », sur lequel sont portées les vingt-huit victoires obtenues par l'as américain pendant la Seconde Guerre mondiale (photo USAF).
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Au-dessus de l'Europe occupée
Les modifications apportées au Thunderbolt (adjonction de réservoirs supplémentaires, en particulier) conjuguées à l'élaboration de nouvelles tactiques de combat permirent aux Alliés de pousser des raids de plus en plus loin au-dessus de l'Allemagne.
C'est le 24 août 1943 que « Gabby » abattit sa première victime, un Focke-Wulf 190; il devait récidiver au début de septembre, puis, le 26 novembre, détruisit deux bimoteurs Messerschmitt Bf-110 qui tentaient de disloquer un « box » de bombardiers avec leur armement lourd.
Ce succès porta à cinq son score personnel. Deux autres victoires suivirent trois jours plus tard, et, à la fin de 1943, son tableau s'élevait à huit victimes. Avec l'intensification des opérations de bombardement sur le front de l'Ouest, les premiers mois de 1944 furent fastes pour tous les pilotes de la 8th Air Force.
Ainsi s'engagea une bataille à grande échelle pour la maîtrise du ciel de l'Europe occidentale. Les chasseurs d'escorte opérèrent sur un rayon d'action sans cesse grandissant, et aux P-47 s'ajoutèrent un nombre croissant de Mustang P-5I. (A noter que le 56th Group allait être la seule unité de combat de la 8th Air Force à ne jamais se transformer sur ces nouveaux appareils, les pilotes restant fidèles à leurs
« marmites volantes
».)

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le P-47D camouflé gris et vert de Gabreski roulant au sol depuis le dispersal de Boxted (photo Imperial War Museum, Londres).
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En tant qu'officier détaché à l'état-major du Group, et donc responsable des opérations, Gabreski fut à même d'augmenter régulièrement ses succès. Les combats du premier trimestre de l'année 1944 lui valurent dix nouvelles victoires, avec, à quatre reprises, un doublé dans la même journée! Promu alors Lieutenant-Colonel, il reprit le commandement du Squadron 61 au cours du mois d'avril.
Le 22 mai, Gabreski revendiqua trois Fw-190, auxquels s'ajoutèrent en juin cinq nouveaux chasseurs, ce qui portait son score à vingt-sept appareils abattus. La destruction d'un Messerschmitt Bf-109 le 5 juillet fit de lui le meilleur pilote de chasse de la 8th Air Force. A cette date, il avait à son palmarès vingt et un Bf-109 et Fw-190, sans compter sept bimoteurs Messerschmitt des types Bf-110 et Me-410.
Le 20 juillet 1944, à la veille de son retrait des opérations, et alors qu'il rentrait d'une mission d'attaque au sol sur le terrain de Bassinheim, près de Coblence, l'hélice de son appareil percuta un monticule et l'avion s'écrasa en territoire ennemi. « Gabby » passa donc le reste de la guerre en tant que prisonnier au Stalag Luft I.

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au cours d'un briefing avant une mission au-dessus de la Belgique occupée, le Lieutenant-Colonel Gabreski donne ses instructions aux pilotes du Squadron 61 du 56th Fighter Group, dont il assure alors le commandement.
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L'as de la guerre de Corée
A son retour aux États-Unis, en 1945, Gabreski devint pilote d'essai à la base de Wright Patterson (Ohio), où il fut nommé Colonel en septembre 1946. C'est alors qu'il quitta l'US Air Force pour la société Douglas Aviation.
Cependant, quelques mois plus tard, il rendossait l'uniforme pour prendre le commandement du Fighter Squadron 55 en Caroline du Sud. Quand éclata la guerre de Corée, Gabreski se retrouva au sud du 38e parallèle en qualité de commandant adjoint du Fighter Squadron 4, deuxième unité à voler sur North American F-86 « Sabre ». L'intervention sur le front coréen des plus récents intercepteurs américains fut la conséquence
directe
de l'apparition des premiers MiG-15 soviétiques, appareils sophistiqués qui auraient dû permettre aux Nord-Coréens de s'assurer la maîtrise de l'air.
Mais la valeur des pilotes américains pour la plupart des vétérans de la Seconde Guerre mondiale fit que les Alliés abattirent 801 MiG pour la perte de seulement soixante-dix-huit Sabre en combat aérien! Pour sa part, « Gabby » inaugura son tableau de chasse d'avions à réaction en détruisant trois MiG-15 en juillet 1951.

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le 5 juillet 1944, Gabreski, qui vient de remporter sa vingt-huitième victoire, est félicité par les mécaniciens (photos lmperial War Museum, Londres).
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Quelques mois plus tard, il se vit confier le commandement du Squadron 51, qui venait d'être transformé sur F-86. Au sein de cette nouvelle unité, il ajouta bientôt à son palmarès trois MiG et demi (la « demi-victoire » étant partagée avec un autre pilote). Son dernier succès, qui date du 13 avril 1952, lui permit d'atteindre le score de trente-quatre victoires et demie au cours des deux guerres, résultat qui
le classe au troisième
rang des as de la chasse américaine.
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